Chasse aux sangliers : même Obélix serait écoeuré !

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Comme promis, nous vous livrons ici une nouvelle « édifiante » histoire de chasse…

Témoignage d’un condruzien passionné de sa région et qui la parcourt depuis plus de 50 ans : «  Jamais, je n’ai vu de population de sangliers aussi nombreuse qu’aujourd’hui. J’ai vu cet été des bandes de 25 à 30 bêtes, ce qui était impensable autrefois. Je n’avais jamais observé de dégâts aussi importants et imputables au sanglier, tant en plaine que dans les bois. Les chasseurs tirent aujourd’hui davantage de sangliers que de chevreuils, ce qui est aberrant dans un territoire à chevreuil comme le Condroz. J’ai ainsi appris qu’une chasse voisine avait tiré 105 sangliers en un week-end. Un record, mais on les nourrit abondamment aussi.  »

Autre témoignage, de trappeurs, cette fois… La partie de chasse se déroule dans le piémont ardennais, à la limite entre l’Ardenne et la Famenne. La battue a lieu sur un petit territoire, largement communal. Cette étendue d’un peu plus de 200 ha est restée quasi complètement clôturée. Le tableau de chasse compte 82 animaux, principalement des sangliers et marcassins en une seule journée de battue. Un tel tableau de chasse équivaut à trois jours de battue sur la chasse de 2.000 ha située à quelques kilomètres de là.

Un tel prélèvement n’inquiète pourtant pas le gestionnaire de la chasse : le territoire est bien géré et le prélèvement, aussi important soit-il, n’atteint pas le capital en place. Les actionnaires et les invités, ravis, peuvent être rassurés : en 2011 la forêt sera tout autant giboyeuse !

Décryptage :

Ramené à 1.000 ha, le prélèvement est d’environ 350 bêtes en une seule journée de chasse ! En France, la cote d’alerte est dépassée quand le prélèvement annuel dépasse 50 têtes de sanglier au 1.000 ha… Un tel tableau n’est possible qu’en assurant un nourrissage continu et conséquent. La forêt atteint alors des charges animales proches des élevages bovins de la pampa brésilienne… Peut-on encore parler d’animaux sauvages quand on les surprend, chaque jour, à courir derrière le tracteur « nourricier ». Un tel nourrissage soi-disant dissuasif est sans commune mesure avec une pratique qui voudrait dissuader les animaux d’aller grappiller quelques compléments en zone agricole. Et ce n’est pas l’Arrêté « nourrissage » qui va régler le problème : il autorise un nourrissage toute l’année, sans aucune restriction quantitative si ce n’est sur le mode d’épandage.

Le sanglier ne fait pas l’objet de plan de tir ou d’une autre forme de régulation. Seuls les chasseurs sont responsables de sa régulation. Certains baux de chasse prévoient cependant des densités à ne pas dépasser mais les propriétaires publics n’exigent que très rarement leur respect… Les densités s’établissent autour d’un savant équilibre entre le prix de la journée de chasse, les quantités de maïs utilisées pour nourrir les animaux, les dégâts aux tiers (prairies, cultures, jardins privé, …), l’importance des clôtures de protection existante,…

Position

Au vu de la difficulté de mesurer les densités de sanglier, il convient davantage d’établir des seuils de prélèvements à ne pas dépasser tel, par exemple, 50 bêtes au 1000 ha. Ces seuils doivent être balisés par des objectifs en termes de critères biologiques mesurés sur les territoires de chasse et complétés par l’importance des dégâts occasionnés à l’agriculture. En cas de dépassement de ce seuil, sur une base pluriannuelle, il convient d’imposer un plan de tir permettant de réduire le « capital sur pied » au-delà des intérêts qu’il génère. Des quotas d’adultes à tirer, ainsi que des critères qualitatifs doivent aussi pouvoir être imposés.

Différentes études ont également démontré à suffisance l’inefficacité du nourrissage dissuasif pour assurer la protection des cultures de maïs et des prairies. La Fédération plaide donc pour l’interdiction rapide de toute forme de nourrissage au profit de la restauration des biotopes.

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité