CETA pleurer

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Pollution atmosphérique, pollution sonore, pollutions chimiques,… notre modèle de développement produit de dramatiques incidences sur l’environnement et la santé humaine. Combattre les différents types de pollution susmentionnés n’est pas très utile si l’on ne s’attaque pas en même temps à une pollution plus insidieuse : la pollution financière, dont un des effets principaux est d’affaiblir la démocratie.

Il a beaucoup été question, ces dernières semaines, du CETA et des critiques formulées à son encontre. L’une des principales porte sur le « règlement des différents » entre un investisseur étranger et un Etat dans lequel celui-ci aurait décidé d’investir, règlement faisant appel à des tribunaux arbitraux indépendants des systèmes judiciaires des Etats.

Imaginez que vous achetez une maison dans un pays étranger. Vous la rénovez en respectant les normes d’isolation en vigueur. Selon votre calcul, la mise en location vous permettra de dégager des bénéfices après 8 ans. Mais – damnation – les normes d’isolation dans ce pays sont renforcées. Vous devez refaire des travaux. Et devrez dès lors attendre 12 ans et non plus 8 pour rentabiliser votre investissement. Du coup, tout tremblant d’indignation, vous attaquez devant une « cour » spécialisée les autorités du pays, leur réclamant des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Voilà, en gros, le principe des différents entre investisseurs et Etats : si des dispositions légales (normes, règlements, fiscalité) nouvelles sont introduites dans le pays, cela peut nuire aux intérêts financiers d’investisseurs étrangers. Ceux-ci devraient pouvoir obtenir réparation.

Quelles que soient les raisons (protection de la santé, protection de l’environnement, équilibre budgétaire,…) motivant une décision législative, dès lors que l’on se trouve dans un Etat démocratique, ces décisions sont réputées représenter la volonté du peuple et viser à l’optimisation du bien-être commun. C’est dans la mesure où elles s’écartent de cet objectif que les décisions peuvent légitimement être attaquées devant le pouvoir judiciaire, indépendant du pouvoir législatif.

L’idée même que ces décisions puissent être attaquées devant une « cour » créée à cet effet pour le motif que, visant au bien-être commun, elles nuiraient au bien-avoir de certains, cette idée incongrue ne peut avoir germé que dans le cerveau malade d’un financier ayant perdu tout sens moral – ou plutôt ayant érigé la recherche du profit en impératif moral. Cette idée devrait être rejetée avec force, sans autre forme de procès.
Qu’un démocrate puisse perdre ne fut-ce qu’une minute à débattre des conditions de mise en place de ces « cours d’arbitrage », qu’il ou elle accepte de considérer comme recevable l’idée de base, cela est profondément affligeant. Et démontre à quel point la pollution financière a déjà perverti la moralité d’une part prépondérante de la classe politique.

Montesquieu, dont la pensée est à l’origine du principe de séparation des trois pouvoirs (« il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ») a magnifiquement illustré la nécessité, pour le législateur, de garder à l’esprit le bien commun, lequel ne peut se résumer à la somme des intérêts de quelques groupes, secteurs ou individus. Laissons-lui donc conclure ce petit billet : « Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime » (Montesquieu, Mes pensées).