Après “l’instant CETA”, vivement “l’instant Climat” !

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Et le climat, dans tout cela ? Cinq jours après la signature du CETA entre l’Union européenne et le Canada, penchons-nous sur un des chapitres les moins évoqués dans la tourmente médiatico-politique relative au combat mené par la Wallonie pour refuser tel quel le futur traité de libre-échange. Alors, le climat sortira-t-il gagnant ou perdant de cette aventure “libre échangiste” ?

Pour répondre à cette question, il convient de rappeler que la Communauté internationale s’est engagée, l’an dernier lors du sommet de Paris (Cop21), à limiter l’élévation moyenne des températures mondiales à maximum 2°. Cet accord entrera en vigueur à l’occasion de la nouvelle Conférence des Nations unies (Cop22) qui s’ouvrira ce lundi 7 novembre à Marrakech. Où l’on mesurera, notamment, le grand écart entre l’ambition de l’accord de Paris et les engagements des Etats à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. En d’autres termes, de sortir d’ici 2050 de notre dépendance aux énergies fossiles.

Intervenu après la négociation du CETA, l’Accord de Paris ne figure pas en tant que tel dans le traité, mais bien dans sa déclaration interprétative et dans le texte de la Belgique, dont les portées juridiquement contraignantes ont été confirmées[https://www.pour.press/ceta-le-topo-du-poto-poto/]]. Le climat est bien dans les marges et [comme le souligne la Fondation Hulot, « la limitation de la hausse des températures à 2° relèvera de la fiction si les grands accords internationaux dans le domaine de l’environnement n’ont pas la primauté sur le commerce international. »

Quel sens revêt l’Accord de Paris si, dans sa foulée, l’Union européenne signe un accord commercial de cette ampleur et qui, à travers l’intensification des échanges, soutiendra un modèle d’agro-business… insoutenable pour la planète ? Quel sens a encore cet Accord de Paris si, dix mois plus tard, l’Union européenne paraphe un traité qui permettra d’investir dans le pétrole issu des sables bitumineux, véritable poison pour le climat et l’environnement ?

Championne sur le papier de la lutte contre les changements climatiques, l’Union européenne semble avoir consommé des hallucinogènes pour conforter une vision schizophrénique d’une croissance indistincte des échanges au détriment de ses politiques climatiques. Certes, l’Europe aura la faculté d’imposer des normes sociales et environnementales à travers le CETA. Mais elle ne pourra pas poursuivre les tricheurs qui ne respecteront pas les règles du jeu, faute d’avoir pu imposer des mécanismes de sanction dans le traité commercial. Et, à en croire l’expérience américaine, le droit d’un Etat à adopter de nouvelles réglementations climatiques ou énergétiques ne manquera pas d’être menacé par d’éventuels recours[[http://www.liberation.fr/planete/2016/09/20/si-le-ceta-passe-l-accord-de-paris-sur-le-climat-trepasse_1504195 et
http://www.iewonline.be/spip.php?article7933]].

Replacer le climat au coeur du CETA doit dès lors demeurer un objectif majeur de nos élus. Les étapes politiques, juridiques et parlementaires qui conduiront à la ratification définitive de ce traité seront nombreuses ; les occasions de le renégocier ou de retirer la prise, également.

Même si l’accord belgo-belge demeure en-deça des attentes de la société civile, il convient de souligner la qualité du travail conduit par le Parlement wallon et le volontarisme affiché par les gouvernements wallon et bruxellois dans ce dossier emblématique[[http://www.iewonline.be/spip.php?article7930]]. Puisse cette mobilisation des organisations non gouvernementales, des mouvements sociaux et agricoles, des PME et des syndicats honorer les 3,3 millions de citoyens qui se sont mobilisés contre le CETA et son frère jumeau, le Tafta, aux quatre coins de l’Europe.

“On a débattu avec passion du CETA dans les cafés, au bureau, sur les marchés, déclarait Paul Magnette devant le Parlement wallon. Qui aurait pu imaginer cela ? Il restera à jamais en Wallonie un instant CETA. Nous devons désormais nous poser cette question : et au-delà ?”

Au-delà, osons répondre qu’il devrait aussi y avoir “un instant Climat” en Wallonie ! La plus grande menace qui pèse sur la planète mérite autant d’attention que les dérives d’un traité de commerce contesté par un large pan de la société civile. Or donc, le Gouvernement wallon adoptait dans l’indifférence, jeudi dernier, le décret qui permettra la mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Au four du CETA et au moulin climatique, le ministre-président wallon ferraillait, il est vrai, pour obtenir des avancées qui ont conduit à l’accord belgo-belge sur le traité commercial.

Nous avons gagné un pouvoir extraordinaire et nous avons saisi cette chance”, déclarait encore le ministre-président. S’agissant du climat, disons que la Wallonie n’a pas encore saisi sa chance et qu’elle pourrait gagner un pouvoir extraordinaire en s’appuyant, aussi sur les dynamiques citoyennes à l’oeuvre sur le terrain.

Christophe Schoune

Anciennement: Secrétaire général