Natura 2000 : évolutions législatives et enquêtes publiques

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Onze ans après l’adoption par le Parlement wallon du décret transposant la Directive européenne, les arrêtés de désignation des 240 sites wallons Natura 2000 sont soumis à enquête publique. Cette étape importante a été préparée dans le souci d’une réelle implication des personnes concernées. Le régime de protection primaire actuellement en vigueur devrait être complété en janvier 2014 par les mesures spécifiques liées aux unités de gestion cartographiées dans les arrêtés de désignation. Le lancement des enquêtes publiques coïncide également avec un élargissement et un renforcement significatif des mesures de restauration.

D’une cartographie scientifique à une cartographie de gestion

Les arrêtés de désignation apportent une information « scientifique » sous forme cartographique permettant d’identifier au sein des sites les habitats naturels et les habitats d’espèce présents. Pour faciliter la gestion, ces différents habitats ont cependant été regroupés en 11 unités de gestion (UG) caractérisées par des besoins relativement homogènes. Les données scientifiques ont donc été traitées en amont pour intégrer les contraintes de gestion. Il s’agit par exemple de l’intégration de la médiation socio-économique auprès des agriculteurs fortement impactés par Natura et de la suppression des unités de gestion à forte contrainte située à la porte des étables.

L’intégration de ces contraintes de gestion permettra de réduire les remarques de la part des propriétaires et gestionnaires lors de l’enquête publique et évitera par la suite de nombreux contentieux inutiles. Ces modifications pourraient cependant être considérées comme des erreurs d’un point de vue strictement environnemental. L’ensemble des adaptations intégrées à la cartographie de gestion sont reprises dans la note au gouvernement qui accompagne les arrêtés de désignation. Enfin, il faut également relever que la cartographie des habitats n’est pas publiée avec les arrêtés de désignation, empêchant toute comparaison entre la cartographie des unités de gestion reprise dans les arrêtés et la cartographie des habitats.

Une véritable enquête publique

Les sites Natura 2000 couvrent près de 13 % du territoire wallon et concernent plus de 70.000 propriétaires et gestionnaires. Demain, chacun de ces gestionnaires devra intégrer, à des degrés divers, les contraintes et opportunités apportées par Natura 2000. Une véritable consultation des personnes concernées était donc essentielle. L’administration, en concertation avec le Forum Natura 2000 et Naturawal, a mis en œuvre des moyens considérables pour donner une information personnalisée à chaque propriétaire et gestionnaire identifié, et ce, avant le lancement des enquêtes publiques. Cette information par courrier est complétée par des permanences assurées par Naturawal, réparties sur tout le territoire. Toutes ces informations et réunions sont également ouvertes aux citoyens et associations pour leur permettre de réagir à l’enquête publique. Vous trouverez ci-joint l’ensemble des documents et références pour cette consultation publique.

Pour les propriétaires et gestionnaires, l’enquête publique mettra en évidence les problèmes de superpositions de couches cartographiques. L’administration a minimisé, dans la mesure du possible, ces effets mais les référentiels du cadastre, de l’IGN et du SIGEC ne sont pas accordés entre eux et il reste des divergences qu’il est important, dans certains cas, de relever lors de l’enquête publique. Pour faciliter ce travail mais aussi pour permettre aux gestionnaires et citoyens de faire valoir leurs remarques à l’enquête publique, la FWA, IEW, NTF et l’UVCW ont préparé un guide d’aide. Celui-ci décrit les situations susceptibles d’être relevées à l’enquête publique à travers un canevas précis. Il a, par ailleurs, été rédigé dans le but de faciliter le traitement des différentes problématiques dans la suite de la procédure en structurant les remarques par thématiques.

Une cartographie des UG évolutive

L’ensemble des remarques émises lors de l’enquête publique seront traitées par les Commissions de Conservation Natura 2000. Celles-ci auront 4 mois pour remettre leurs avis au Ministre. Les avis des Commissions de Conservation seront soumis à l’analyse de l’Administration régionale, ce qui pourra, en fonction de la pertinence des remarques, entraîner des modifications des projets d’arrêtés de désignation (textes et cartes). Cette phase devrait se clôturer pour la fin du mois de septembre 2013. Le Gouvernement wallon procédera à l’adoption finale des arrêtés de désignation dès octobre 2013 pour en programmer l’entrée en vigueur en date du 31 décembre 2013. Il faut cependant relever dès à présent que cette cartographie est amenée à évoluer. La cartographie des UG doit d’une part encore être précisée car certains sites sont encore couverts par des UG temporaires (sites protégés ou forêts publiques). Une révision décrétale devrait d’autre part assouplir l’évolution de la cartographie des UG afin notamment d’intégrer les évolutions liées à la restauration ou à des autorisations/dérogations sans avoir à passer par une enquête publique, sous sa forme actuelle.

Des objectifs de conservation légèrement ajustés

L’enquête publique porte également sur le projet d’arrêté relatif aux objectifs de conservation. Les objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000 déterminent les objectifs écologiques concrets fixés à l’échelle du territoire de la Région wallonne et à l’échelle des sites Natura 2000 pour chaque type d’habitat naturel et pour chaque type d’espèce. Ces objectifs sont établis en vue d’assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement dans un état de conservation favorable des habitats naturels et espèces Natura.
Les objectifs de conservation serviront de référence pour évaluer les incidences des plans et projets susceptibles d’impacter un site Natura 2000 ainsi que pour les autorisations, dérogations et restaurations spécifiques au régime Natura 2000.
Outre que les objectifs de conservation qualitatifs se présentent dans cet arrêté sous forme de critères à valeur indicative, la portée de la valeur réglementaire des objectifs de conservation serait limitée aux seules administrations dans le cadre des remises d’avis. Cette restriction libérera les communes et l’administration de l’évaluation du respect des objectifs de conservation pour des travaux forestiers qui sont pleinement autorisés en Natura 2000. A titre d’exemple, la coupe d’un arbre mort, au-delà de l’objectif fixé dans le Code forestier devrait être évaluée eu égard à l’objectif de conservation visant à maintenir du bois mort en forêt.

Des moyens pour la restauration étendus à la structure écologique principale

Le Gouvernement a adopté un nouvel arrêté relatif aux indemnités et subventions à la restauration dans le réseau Natura 2000 qui entre en vigueur ce 8 décembre 2012. Il fait suite à la nécessité de simplifier et élargir les moyens dévolus à la restauration des sites pour remplir les objectifs que la Région s’est donnés en terme de restauration. Ce nouvel arrêté apporte des changements importants dont le principal est l’extension de l’éligibilité à la structure écologique principale soit 60.000 ha en plus du réseau Natura 2000. Les mesures de restauration sont donc éligibles dans les Sites de Grand Intérêt Biologique qui ne seraient pas inclus au réseau actuel.
La plupart des mesures de restauration ne sont plus associées à un plafond. Les moyens peuvent donc être mieux adaptés aux circonstances locales, en concertation avec la DNF. La coupe anticipée des résineux sera éligible sur base du critère de potentiel biologique, notons que les tables de l’arrêté introduit également l’équivalent d’une « servitude d’usage », à savoir la possibilité de racheter la vocation sylvicole d’une parcelle au profit d’un milieu ouvert. Cette modification, subventionnée à hauteur de 2000 €/ha sera formalisée par un changement de l’unité de gestion.

Enfin, le projet ouvre la possibilité, au bénéfice des pouvoirs publics et des propriétaires privés, d’obtenir une intervention pour l’achat de terrains qui s’élève au maximum à 50 % du montant des frais réels engagés pour l’achat des terrains, hors TVA et hors droit d’enregistrement. Cette mesure n’offre pas de perspective aux associations puisque celles-ci bénéficient d’un régime régional un peu plus favorable pour l’acquisition de terrain destiné à la création de réserves naturelles. Il reste très regrettable que ce nouvel arrêté organise un régime de subvention financé par l’Union européenne qui ne soit pas cumulable avec les subsides régionaux à l’acquisition de terrain. Cette mesure aurait pu cibler les habitats prioritaires et difficiles à gérer par des particuliers et pour lesquels les associations ont montré leur efficacité de gestion.

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité