ANGELIC, un projet prometteur de la SNCB

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ANGELIC est l’acronyme issu du nom des 4 villes concernées par l’offre de réseau ferroviaire suburbaine (réseau express régional) que la SNCB souhaiterait mettre en place en 2018 : Anvers, Gand, Liège et Charleroi. Au-delà de l’intérêt réel de développer ce type d’offre en Belgique, nous soutenons aussi la démarche d’ouverture dans laquelle semble s’inscrire la SNCB pour réaliser ce projet.

L’idée de réseaux express ferroviaires autour des agglomérations belges n’est pas neuve. Le contrat de gestion de la SNCB 2008-2012[[Contrat qui a été prolongé par différents avenants dont un 5° est actuellement en cours d’approbation]] prévoyait déjà en son article 10 : « la SNCB implémentera, en concertation avec la DGTT[[Direction Générale des Transports Terrestres remplacée par Service Public Fédéral Mobilité et Transport, direction politique ferroviaire]], les sociétés régionales de transport et d’autres stakeholders, un concept de transport intégré et orienté client, en ce compris l’éventuel développement d’un réseau suburbain autour d’Anvers, Gand, Liège et Charleroi ». Une étude en termes de potentiel de marché et d’horaire devait être présentée devant le Ministre de tutelle 24 mois après la signature du contrat de gestion ; et l’implémentation de cette nouvelle offre était prévue pour décembre 2011 au plus tard. Bon, le planning initial accuse un certain retard mais il semble que la démarche est bel et bien en route. Un service a été spécifiquement créé et dédicacé au sein de la SNCB pour les études et le suivi des projets RER : celui dont on parle depuis tant d’années, et pour lequel les derniers travaux ne sont pas encore finalisés autour de Bruxelles, LE « RER » ; mais aussi les 4 projets de réseau express d’agglomération dont les déclinaisons wallonnes sont connues sous les termes « REL » (Réseau Express Liégeois) et « REC » (Réseau Express Carolo).

Les études existantes REC et REL

Si la gestion des entreprises publiques et la définition de l’offre ferroviaire sont effectivement des compétences fédérales, la Wallonie a néanmoins pris en main depuis quelques années son avenir ferroviaire. Ce qui est une très bonne chose. Comment effectivement mener des politiques publiques efficaces en matière d’aménagement du territoire et de mobilité sans s’intéresser un minimum au réseau structurant ferroviaire et au potentiel certain de ce patrimoine pour répondre de manière durable aux besoins de mobilité des citoyens.

C’est ainsi qu’une « étude de potentiel et de faisabilité d’une offre ferroviaire urbaine dans les agglomérations de Liège et de Charleroi » a été commanditée à l’initiative du Ministre wallon de la mobilité en 2013. Elle est suivie par la Cellule ferroviaire wallonne. Cette étude avait pour mission d’analyser à la fois le potentiel du système ferroviaire et la demande en répondant aux questions suivantes : Est-il possible avec de faibles investissements d’accueillir une offre ferroviaire urbaine ? et Existe-t-il une demande en volume suffisant pour justifier une telle offre ? Les résultats ont été publiés en octobre 2013 et l’étude est intégralement disponible sur le portail mobilité de la DGO2.

Pour chacune des deux zones d’étude, trois schémas des besoins d’exploitation ont été ébauchés. Ils sont de plus en plus volontaristes selon le trinôme « schéma d’exploitation – matériel roulant – infrastructures » et donc de plus en plus exigeants en moyens. Ci-dessous, les scénarios 2 « nouveau schéma des besoins, nouveau matériel et infrastructures inchangées » pour Charleroi et Liège.

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Charleroi

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Liège

Comme le dit l’étude elle-même, c’est évidemment à l’opérateur SNCB qu’il revient de valider ces schémas et d’obtenir du Gouvernement fédéral de les financer.

Un débat public en plus de la consultation des acteurs concernés

Et il semble que c’est le travail qu’entame la SNCB. Car cette fois, et nous tenons à le souligner, il ne s’agit pas d’un travail à bureau fermé sans prise en compte d’études préexistantes ou d’avis externes. Non, la SNCB a décidé de consulter et a déjà commencé des discussions avec les quatre grandes villes concernées et les opérateurs de transports publics, selon les informations diffusées dans la presse. Dans une interview parue dans le journal Le Soir du 22 mai 2015, Monsieur Palmieri, responsable du nouveau service RER de la SNCB, explique que la base de réflexion des projets reste le plan transport de la SNCB et son adaptation partielle programmée pour 2017, mais aussi les plans communaux et régionaux de mobilité.

Nous nous réjouissons de cette ouverture de la SNCB et sommes ravis de révéler que la consultation entamée ne se limite aux acteurs institutionnels car au moment où je vous écris ces lignes, nous répondons favorablement à une invitation reçue de la SNCB pour nous rencontrer sur le sujet des réseaux express d’agglomération. Les réactions vives, pour ne pas dire virulentes, au plan transport 2017, qui avait fait l’objet d’une information tardive de la part de la SNCB vers des acteurs identifiés, ont sans soute permis à celle-ci de comprendre tout l’intérêt d’une réelle implication des acteurs concernés bien en amont des décisions, aux prémisses mêmes de l’élaboration d’un nouveau schéma d’offre.

L’étape suivante est de parvenir à organiser un vrai débat public, ouvert et utile, sur le sujet. A l’instar de la Région Nord-Pas-de-Calais dont la commission particulière du débat public Réseau Expres du Grand Lille (REGL) a lancé depuis avril 2015, après deux mois de consultations préparatoires, une série d’outils, rencontres et réunions publiques afin d’impliquer aussi les citoyens, futurs utilisateurs.
SI vous êtes un lecteur assidu de nos nIEWs, vous connaissez déjà le projet d’IEW « Mon train, ma liberté ». Avec les soirées Rail que nous organiserons début 2017, c’est un peu l’essai que nous souhaitons faire : consulter des citoyens sur un plan transport, document très technique mais qui impacte directement leur quotidien. Sachez déjà que la SNCB suit attentivement cette initiative.

Les similitudes entre l’exploitation d’un RER et celle des lignes dites rurales

Dans la même interview du journal Le Soir, Monsieur Palmieri précisait : « La stratégie de la SNCB reste bien sûr, le transport de masse de grand centre urbain à grand centre urbain, mais aussi d’apporter des solutions de mobilité dans les zones à grande densité d’habitants ». Nous connaissons (malheureusement) cette manière qu’a la SNCB de décrire son core business qui oublie parfois sa mission de service publique dans les zones moins densément peuplées. Qu’à cela ne tienne, l’expérience que va acquérir la SNCB dans l’élaboration et l’exploitation de réseaux express d’agglomération devrait à terme être positive pour les lignes de desserte locale actuellement malmenées. Car des similitudes existent bel et bien pour l’exploitation de ces territoires bien différents. Dans les deux cas, il est question d’une desserte fine du territoire impliquant des arrêts fréquents. Une telle desserte ferroviaire, pour être efficace et viable économiquement, doit pouvoir s’effectuer dans certaines conditions. Il est d’abord nécessaire que la structure des tarifs pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ne pénalise pas les arrêts fréquents. Actuellement, la SNCB doit payer une « redevance arrêt » à Infrabel pour chaque halte ferroviaire qu’elle dessert[http://www.iewonline.be/spip.php?article7068 et http://www.iewonline.be/spip.php?article7175]]. Les lignes de desserte omnibus sont donc coûteuses pour l’opérateur ferroviaire. Par ailleurs, une desserte fine du territoire sera d’autant plus efficace qu’elle s’effectue avec un matériel roulant adapté à cette exploitation. Actuellement, au niveau du parc de matériel roulant de la SNCB, seules les automotrices Desiro possèdent les caractéristiques recherchées, c’est-à-dire une bonne capacité d’accélération et de freinage, une accessibilité voyageurs facilitée par des doubles portes, un plancher surbaissé et de larges plateformes d’accueil ; et enfin un dispositif d’information voyageur à bord qui signale de manière auditive et visuelle les arrêts à venir (voir [notre article sur le light-train). Ce qui distingue grandement l’exploitation d’un réseau express d’agglomération de celle d’une ligne de desserte locale non urbaine est la question du potentiel de voyageurs et de la capacité de transport.

D’où l’intérêt de s’orienter vers un matériel roulant modulable, qui permet par une opération d’accouplement ou de coupe-accroche[[Le concept d’exploitation coupe-accroche se pratique sur des lignes ferroviaires qui ont au moins deux branches après un tronçon commun (A–B). Sur le tronçon commun un convoi composé de deux rames roule. A la gare de bifurcation (B), une partie du convoi se dirige en direction de C, l’autre partie du convoi se dirige vers D. Ainsi, les voyageurs ne sont pas forcés de changer de train à la gare de bifurcation]], une exploitation en unité multiple[[On parle d’unité multiple lorsque deux rames ou compositions sont accouplées pour faire le même service. Il est possible qu’il y ait trois ou quatre rames accouplées, dans un tel cas on parle de UM3 ou UM4]]. Pour des raisons d’économies d’échelle dans les commandes de matériel roulant et d’efficacité dans l’entretien des véhicules, un opérateur ferroviaire a tout intérêt à privilégier un parc de matériel roulant harmonisé. Il est évident que cette différence en termes de potentiel de voyageurs a également des conséquences sur les recettes engendrées et donc sur les coûts d’exploitation de la ligne. C’est sans doute pour cela qu’il est également nécessaire de réfléchir à d’autres formes d’exploitation… Comme celle d’une exploitation avec un seul agent à bord[[On entend par exploitation à un seul agent, le fait de faire rouler un train avec un conducteur à bord mais sans accompagnateur.]] et l’organisation d’équipes mobiles de contrôle. Mais cela est encore de l’ordre du tabou dans le monde ferroviaire belge.

Pourtant, tant pour les lignes de desserte locale non urbaine dont la fréquentation est moindre que pour les réseaux express d’agglomération dont les fréquences doivent être élevées, une telle organisation permettrait d’augmenter l’offre de transport sans faire exploser les coûts d’exploitation tout en maintenant un volume d’emploi identique voire supérieur. Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cet aspect que nous savons délicat, particulièrement pour les cheminots et leurs représentants, mais qui est peut-être inévitable si nous voulons assurer un avenir à une desserte ferroviaire fine de notre territoire, que ce soit en milieu urbain ou rural.

Juliette Walckiers

Anciennement: Mobilité